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Mon bailleur souhaite vendre, suis-je prioritaire par rapport à la Safer ?

Exploitant agricole, je suis fermier exploitant de 3,5 ha par bail notarié depuis 1990. Les propriétaires ont confié la vente de ces parcelles par mandat de vente à la Safer. J’ai reçu des documents intitulés « promesse unilatérale d’achat » indiquant le prix demandé, les frais de notaire et de la Safer. Il est précisé des « conditions particulières » appelées « cahier des charges » comprenant notamment un « pacte de préférence » et de « délaissement » au bénéfice de la Safer en cas d’aliénation des biens et une durée d’engagement de 15 ans précisant que cette durée est appliquée en cas de préemption ou de forte concurrence. Dans mon cas, il ne s’agit pas d’une préemption. Quant à la « forte concurrence », ces parcelles étant enclavées dans d’autres m’appartenant, j’en doute. Que dit la loi ?

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Le preneur à bail dispose d’un droit pour acquérir les terres qui lui sont louées lorsque le bailleur souhaite les vendre (articles L. 412-1 et suivants du code rural).

« Pour pouvoir en bénéficier, le preneur doit, par définition, être titulaire d’un bail rural, être un exploitant agricole et exploiter lui-même effectivement (ou par sa famille) le bien loué mis en vente depuis au moins trois ans » rappelle Manoël Buchard, avocat au cabinet Proxima à Rennes. « La Cour de cassation a rajouté une condition pour pouvoir être titulaire d’un droit de préemption : le preneur à bail doit également être titulaire de l’autorisation d’exploiter sur les parcelles qu’il veut acquérir. En outre, le preneur qui exerce son droit de préemption doit s’engager à exploiter effectivement les terres ainsi acquises en participant personnellement et de façon permanente aux travaux pendant 9 ans. Enfin, celui qui exerce son droit de préemption ne doit pas déjà être propriétaire d’une superficie supérieure à un seuil fixé par décret et qui varie suivant les régions » indique l’avocat.

Il faut préciser que ce droit du fermier en place prime le droit de préemption de la Safer.

« S’agissant du cahier des charges que la Safer tente d’imposer au preneur en place, le code rural prévoit que la Safer peut imposer le respect d’un cahier des charges à un « attributaire » « en cas de substitution » de la Safer pour réaliser la cession via une promesse de vente » rappelle Julien Dervillers, avocat spécialisé en droit rural, associé au sein du cabinet Proxima à Rennes. « Dans votre courrier, vous ne faites pas état de l’existence d’une promesse de vente qui aurait été conclue entre le propriétaire vendeur et la Safer mais d’un simple mandat de vente, la Safer agissant alors comme un agent immobilier à qui il a été donné mission de trouver un acquéreur pour un bien » détaille l’avocat. « Par conséquent, la Safer ne semble pas intervenir dans le cadre du choix d’un attributaire se substituant à elle dans une promesse de vente qui lui aurait été consentie. Or, le code rural ne permet l’imposition d’un cahier des charges que dans ce seul cas de figure » analyse Julien Dervillers.

« De plus, si une promesse avait été conclue au bénéfice de la Safer, le notaire aurait eu l’obligation de notifier au preneur à bail le projet afin que ce dernier puisse exercer son droit de préemption indique Manoël Buchard. En cas de notification au preneur, par le notaire, il lui conviendra de répondre directement au propriétaire (et non au notaire) pour lui indiquer sa décision de préempter. Si le propriétaire et/ou son notaire omettent de notifier la vente au fermier, alors celui-ci peut saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour demander la nullité de la vente, et même s’il le souhaite sa substitution à l’acquéreur l’ayant évincé, de sorte que la vente soit déclarée parfaite à son bénéfice. »

Enfin, l’article L. 141-1 III 1° du code rural prévoit que le cahier des charges comporte l’engagement du maintien pendant une durée minimale de 10 ans de l’usage agricole du bien attribué et soumet, pendant ce même délai, tout projet de cession à titre onéreux de la propriété ou de la jouissance du bien acquis à l’accord préalable de la Safer. « Le texte ne subordonne pas l’imposition d’un cahier des charges à l’existence d’une situation de forte concurrence » conclut Julien Dervillers.

Préemption

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